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Page:Koschwitz - Les Parlers Parisiens, 1896.pdf/27

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souvent d’avis que les auteurs ne savent pas lire leurs pièces, et il se trouve aussi des poètes modestes qui, comme M. Sully-Prudhomme, ont peur de ne pas bien interpréter, par la parole, les pensées qu’ils ont développées dans leurs poésies. Il y a même des poètes qui affirment que les vers ne doivent pas être lus du tout, que les poésies ne sont que des rêves dont on s’éveille, dès que s’en approche la réalité, c’est-à-dire la lecture avec son interprétation toujours individuelle.

En somme, Thurot a raison: il n’y a pas actuellement à Paris un groupe de gens bien élevés qui puisse prétendre au droit de servir de type de la bonne prononciation. Le bon usage existe partout et nulle part. Il est d’autant plus difficile à trouver qu’en réalité il n’y a pas deux individus qui prononcent absolument de la même manière, et que le même individu prononce différemment en faisant un discours public, en déclamant des vers ou de la prose, „en parlant“ et „en causant“ (pour répéter la distinction faite par M. Legouvé). La prononciation diffère même selon qu’on déclame ou qu’on récite des vers héroiques ou lyriques (ou badins), et selon le genre de la prose qu’on lit. Les impressions et le sentiments qu’on éprouve ou qu’on veut exprimer, l’état de santé, les sensations du moment influent également sur la prononciation. Pour toutes ces raisons, il faut ne pas chercher un bon usage, mais plusieurs, suivant les situations différentes dans lesquelles on peut se trouver, ou il faut chercher, comme le proposait déjà Saint-Réal, «une prononciation moyenne qui n’est pas tout à fait si licencieuse que celle de la conversation, ni tout à fait si régulière (il vaudrait mieux dire: artificielle) que celle du barreau et de la chaire.» Saint-Réal trouve cette prononciation moyenne chez les comédiens (ce qui