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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/157

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soulèvements était déjà dans les cahiers qui furent écrits avant les élections de 1789. Puisqu’on avait demandé aux paysans d’exposer leurs griefs, ils étaient sûrs que l’on ferait quelque chose pour eux. La foi que le roi, auquel ils avaient adressé leurs plaintes, ou bien l’Assemblée, ou toute autre force leur viendrait en aide pour redresser leurs torts, ou du moins les laisserait faire s’ils s’en chargeaient eux-mêmes, — c’est ce qui les poussa à se révolter dès que les élections furent faites, et avant même que l’Assemblée se réunit. Lorsque les États généraux commencèrent à siéger, les rumeurs qui venaient de Paris, si vagues qu’elles fussent, firent croire nécessairement aux paysans que le moment était venu d’exiger l’abolition des droits féodaux et de reprendre les terres.

Le moindre appui qu’ils trouvaient, soit de la part des révolutionnaires, soit du côté des orléanistes, soit de n’importe quels agitateurs, suffisait pour soulever les villages — étant donné les nouvelles inquiétantes qui venaient de Paris et des villes révoltées. Qu’on profitât dans les campagnes du nom du roi et de l’Assemblée — là-dessus, non plus, nul doute possible : tant de documents parlent de faux décrets du roi ou de l’Assemblée, colportés dans les villages. Dans tous leurs soulèvements, en France, en Russie, en Allemagne, les paysans ont toujours cherché à décider les indécis — je dirai plus : à se persuader eux-mêmes qu’il y avait quelque force prête à les soutenir. Cela donnait plus d’ensemble à l’action, et puis en cas d’échec ou de poursuites, il restait toujours une certaine excuse. On avait cru obéir, et la plupart l’avaient cru sincèrement, aux désirs,