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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/158

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sinon aux ordres, du roi ou de l’Assemblée. Aussi, dès que les premières récoltes furent faites pendant l’été de 1789, dès que l’on recommença à manger à sa faim dans les villages, et que les rumeurs arrivant de Versailles et de Paris vinrent semer l’espoir, les paysans entrèrent en révolte. Ils se mirent en marche contre les châteaux afin de détruire les chartriers, les rôles, les titres, et ils incendièrent les châteaux, si les maîtres ne renonçaient pas de bonne grâce aux droits féodaux, consignés dans les chartriers, les rôles et le reste.

Aux environs de Vesoul et de Belfort, la guerre aux châteaux commença dès le 16 juillet, date à laquelle le château de Sancy et puis ceux de Lure, de Bithaine et de Molans furent saccagés. Bientôt toute la Lorraine se souleva. « Les paysans, persuadés que la révolution allait introduire l’égalité des fortunes et des conditions, se sont surtout portés contre les seigneurs, » — dit le Courrier français (p. 242 et suivantes). À Saarlouis, à Forbach, à Sarreguemines, à Phalsbourg, à Thionville, les commis des fermes furent chassés, et leurs bureaux pillés et incendiés. Le sel se vendait trois sous la livre. Les villages des environs suivaient les villes.

En Alsace, le soulèvement des paysans fut presque général. On constata qu’en huit jours, à la fin de juillet, trois abbayes furent détruites, onze châteaux furent saccagés, d’autres pillés, et que les paysans avaient enlevé et détruit tous les terriers. Tous les registres d’impôts féodaux, de corvées et de redevances de toute nature furent aussi enlevés et brûlés. En certains endroits il se forma des colonnes mobiles de paysans fortes de plusieurs centaines et quelquefois de plusieurs