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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/38

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la France instruite commença à parler Constitution et représentation nationale[1].

D’ailleurs, il était déjà impossible d’éluder la question de la représentation nationale, et lorsque Necker fut appelé au ministère, en juillet 1777, elle revint sur le tapis. Necker, qui savait deviner les idées de son maître et qui tâchait de concilier ses vues d’autocrate avec les besoins des finances, essaya de louvoyer en ne proposant d’abord rien que des assemblées provinciales, et en faisant seulement miroiter dans l’avenir la possibilité d’une représentation nationale. Mais lui aussi rencontra de la part de Louis XVI un refus formel : — « Ne serait-ce pas heureux, écrivait le financier retors, que Votre Majesté, devenue intermédiaire entre ses États et ses peuples, son autorité n’apparût que pour marquer les limites entre la rigueur et la justice », — à quoi Louis XVI répondit : « Il est de l’essence de mon autorité, non d’être intermédiaire, mais d’être en tête. » On fera bien de retenir ces paroles, pour n’être pas dupe des sensibleries que les historiens du camp réac-

  1. Les arguments sur lesquels se basa Louis XVI sont à noter. Je les résume d’après E. Semichon, Les réformes sous Louis XVI : Assemblées provinciales et parlements, Paris, 1876, p. 57. Les projets de Turgot semblaient dangereux à Louis XVI, et il écrivit : « Partant d’un homme qui a de bonnes vues, sa constitution aurait bouleversé l’état actuel. » Et plus loin : « Ce système censitaire d’élection est le moyen de faire des mécontents des non-propriétaires, et si on permet à ceux-ci de s’assembler, ce sera une semence de désordre. » — « Le passage du régime aboli au régime que M. Turgot propose actuellement, mérite attention ; on voit bien ce qui est, mais on ne voit qu’en idée ce qui n’est pas ; et on ne doit pas faire des entreprises dangereuses si on n’en voit pas bien le but. » Voir à l’appendice A, de M. Semichon, la liste très intéressante des principales lois faites sous Louis XVI, de 1774 à 1789.