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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/403

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de chaque prison, dans les voies avoisinantes, des quantités de gens qui approuvaient le massacre et qui auraient fait appel aux armes contre quiconque serait venu les empêcher. D’ailleurs les bulletins des sections, l’attitude de la garde nationale et l’attitude même des révolutionnaires en vedette prouvent que tous avaient compris qu’un intervention militaire eût été le signal d’une guerre civile qui, de quelque côté qu’eût tourné la victoire, aurait amené des massacres bien plus étendus, et plus terribles encore, que ceux des prisons.

D’autre part, Michelet a dit, et ce mot a été répété depuis, que c’était la peur, la peur sans fondement, toujours féroce, qui avait inspiré ces massacres. Quelques centaines de royalistes de plus ou de moins dans Paris ne présentaient pas, a-t-on dit, de danger pour la Révolution. Mais raisonner ainsi, c’est méconnaître, ce me semble, la force de la réaction. Ces quelques cents royalistes avaient pour eux la majorité, l’immense majorité de la bourgeoisie aisée, toute l’aristocratie, l’Assemblée législative, le directoire du département, la plupart des juges de paix, et l’immense majorité des fonctionnaires. C’est cette masse compacte d’éléments opposés à la Révolution qui n’attendait que l’approche des Allemands pour les recevoir à bras ouverts et inaugurer avec leur aide la Terreur contre-révolutionnaire, le massacre Noir. On n’a qu’à se souvenir de la Terreur Blanche sous les Bourbons, rentrés en 1814 sous la haute protection des armées étrangères.

D’ailleurs, il y a un fait qui passe inaperçu chez les historiens, mais qui résume toute la situation, et donne la vraie raison du mouvement du 2 septembre.