Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/728

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

En tout cas les Comités en profitèrent pour faire un immense « amalgame ». Ils firent arrêter le père et le frère de la jeune fille et plusieurs personnes dont le seul crime était d’avoir connu Ladmiral, de près ou de loin. On mit dans le même amalgame madame Saint-Amaranthe, qui avait tenu une maison de jeu, dans laquelle on rencontrait sa fille, madame de Sartine, connue pour sa beauté. Et comme cette maison avait été très fréquentée par toutes sortes de gens, entre autres par Chabot, Desfieux et Hérault de Séchelles, et visitée aussi, paraît-il, par Danton, on en fit une conspiration royaliste, et l’on essaya d’y mêler aussi Robespierre. On engloba dans ce même procès le vieux Sombreuil (celui que Maillard avait sauvé pendant les massacres du 2 septembre), l’actrice Grand’Maison, amie du baron de Batz, Sartine, un « chevalier du poignard », et, à côté de tout ce monde, une pauvre innocente petite couturière de dix-sept ans, Nicolle.

L’affaire fut vite expédiée en vertu de la loi du 22 prairial. La « fournée » fut cette fois de 54 personnes, qui furent revêtues de chemises rouges, comme parricides, et l’exécution dura deux heures. C’est ainsi que la nouvelle loi, que tout le monde nommait la loi de Robespierre, faisait son début. Du coup elle rendait le régime de la Terreur odieux à Paris.

On conçoit l’état d’esprit des personnes qui avaient été arrêtées comme « suspectes » et qui peuplaient les prisons de la capitale, lorsqu’elles apprirent les dispositions de la loi du 22 prairial et son application aux cinquante-quatre chemises rouges. On s’attendait à un massacre général « pour vider les prisons », comme à