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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/89

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château, et il n’y eut le lendemain que 47 nobles qui se réunirent aux deux autres ordres. Ce ne fut que quelques jours plus tard, lorsque le bruit se répandit que cent mille Parisiens marchaient contre Versailles, — c’est-à-dire au milieu de la consternation générale qui régnait au château à la réception de cette nouvelle, et sur un ordre du roi, confirmé par la reine en pleurs (car la noblesse ne comptait plus sur le roi), que le gros des nobles vint rejoindre le clergé et les messieurs du Tiers. Et encore ! Ils dissimulaient à peine leur espoir de voir sous peu ces rebelles dispersés par la force.

Cependant toutes les manœuvres de la Cour, toutes ses conspirations et même les propos tenus par tel ou tel prince ou noble, tout se savait bientôt chez les révolutionnaires ; tout était rapporté à Paris par mille canaux secrets, qu’on n’avait pas négligé d’établir, et les rumeurs venues de Versailles servaient à alimenter la fermentation dans la capitale. Il arrive des moments où les puissants ne peuvent plus compter même sur leurs domestiques, et cela arriva à Versailles. Ainsi, pendant que la noblesse se réjouissait du petit succès obtenu à la séance royale, quelques révolutionnaires de la bourgeoisie fondaient à Versailles même un club, le club Breton, qui devint bientôt un grand centre de ralliement, et plus tard fut le club des Jacobins – et dans ce club les domestiques même du roi et de la reine venaient rapporter ce qui se disait à huis-clos à la Cour. Quelques députés de Bretagne, entre autres Le Chapelier, Glezen, Lanjuinais, furent les fondateurs de ce Club Breton ; et Mirabeau, le duc d’Aiguillon, Sieyès, Barnave, Pétion, l’abbé Grégoire et Robespierre en firent partie.