Aller au contenu

Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LES TROIS COCUS

— Ah bah ! murmura-t-il.

Gravement, M. Paincuit ouvrit un album de photographies qui se trouvait sur un guéridon :

— Comparez, fit-il en montrant un portrait-carte ; voilà comment j’étais dans ma jeunesse, au moment où je n’avais pas encore un poil au menton ; car, il faut vous dire, la barbe m’est, venue très tard.

En disant cela, il se poussait du col.

C’était une des manies du plumassier. Il s’était imaginé que le Mercure qui est dessiné dans la pâte du papier des billets de cinquante francs était le portrait frappant de sa jeunesse. Aussi, collectionnait-il avec fureur ces billets de banque. Il rêvait de laisser à son fils, s’il en avait un, toute sa fortune en papier-monnaie de cinquante francs. Il donnait cinq sous par billet de cette somme à quiconque lui en apportait.

Il était plongé dans l’admiration, quand Mme Paincuit vint donner un autre cours à ses idées.

— Néostère, dit-elle en paraissant à une porte, le dîner est servi.

Et elle ajouta avec un sourire à l’adresse de Bredouillant :

— Monsieur, voulez-vous être assez bon pour passer à la salle à manger ?

Sur cette invitation, on se mit à table. Le repas fut banal. Bredouillard était un convive peu nouveau. Paincuit s’était pris d’amitié pour Anselme, tout bonnement parce que celui-ci partageait ses idées en matière de spiritisme. La plumassière, par contre, était profondément sceptique ; ce qui faisait le désespoir de Néostère. Mais il comptait venir à bout de son incrédulité et la convertir.

Tout en dînant, on causa. La conversation roula un moment sur Pélagie. Paincuit fut charmé d’apprendre que le nouveau locataire de la maison était venu le demander dans la journée, avait fait une petite station chez lui et avait plaidé la cause de l’autruche. En sa qualité de plumassier, il était admirateur enthousiaste de la culotteuse de pipes dont le plumage était resplendissant. Gilda déclara à son mari qu’après les explications que lui avait données ce monsieur Laripette, elle consentait à ne plus s’épouvanter de Pélagie.

— Ma louloute, dit Paincuit en embrassant sa femme, tu es un ange. J’étais si heureux du voisinage de cette autruche !… Ta frayeur aurait jeté le trouble dans mon allégresse. Oh ! que je suis donc joyeux que ce M. Laripette t’ait fait comprendre que son oiseau ne présentait aucun danger !…