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LE MONDE DES IMAGES.

quelque sorte, par dessous. Par une rencontre singulière, le contemporain de Gœthe, Beethoven, (qui salue-t-on, vous ou moi ? — disait Gœthe) participe aussi à ce privilège, car c’en est un. Pour une oreille exercée, la Sonate Pathétique, par exemple, est un crescendo d’images sonores, concentriques à un autre crescendo, comme il arrive que le remords amoureux tourne dans l’amour, ou que l’attendrissement contrebatte le désir dans le désir. C’est même ce qui fait son pathétique. Il appartenait au génie de Gœthe de doubler l’émotion immédiate par l’émotion sage, de placer Hélène derrière Marguerite, et les méditations d’Ottilie derrière le quadrille sensuel des Affinités Électives. Nous savons d’ailleurs, par ses aveux, qu’il entendait ses hérédités paternelle et maternelle chanter en lui, et qu’aucune parcelle de son esprit-corps n’était sans doute restée inexplorée de sa haute raison.

Mais c’est dans ses mémoires que cette synthèse d’une dualité (la mnémotechnique, donc la plus évocatrice ! ) est particulièrement remarquable. Le mouvement, vif par endroits, y est à l’ordinaire majestueux, et chaque circonstance, même petite, comporte une haute leçon morale. Peu d’ouvrages autobiographiques échappent aussi complètement à l’humeur. Ensuite, c’est aux entretiens avec Eckermann qu’il faut se reporter, pour surprendre à nouveau le double courant mnésique de la personnalité de Gœthe, multipliée par celle de ses parents.