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Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/211

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LA CONCEPTION CRÉATRICE.

cordées obcurcissent le champ de la conscience.

Les états passionnels non surveillés (quand le sujet se laisse aller), l’ivresse accidentelle ou habituelle, sont des états de multi-images. Souvent, après cette phase d’excitation, qu’accompagne le trouble de la parole, ils aboutissent à l’hébètement et à l’obsession par une seule image, accompagnée de la répétition monotone de certains mots. Un grand poète inachevé, Paul Verlaine, a tiré parti de ces états dans quelques pièces célèbres. Car le don littéraire utilise jusqu’à ses vices et à ses trous. Néanmoins les dernières poésies de Verlaine, gardant le rythme souple qu’on lui connaît, ont perdu tout ressort intérieur et ressemblent au balbutiement des petits enfants.

L’état fréquent ou accidentel de pluri-images est lui-même héréditaire et transmissible. C’est une question de savoir ce qu’il devient au cours des générations et quel est son aboutissement dans la famille et dans la race.

Pour y répondre, nous devons revenir à ce principe essentiel, qui est l’effort d’élimination des images trop abondantes ou trop fortes, par le langage, le regard, le geste, la sueur, l’urine, l’éjaculation, les sécrétions internes, la littérature, les arts et les sciences. L’être humain est un passage, une transmission. Il absorbe et il rejette constamment, depuis la conception jusqu’à l’anéantissement. L’équilibre du soi veut que les remous des pluri-images aillent s’apaisant et se réglant, après un certain nombre de