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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/274

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LE STUPIDE XIXe SIÉCLE.

eut pas de méthaphysiciens en Occident au XIXe siècle) en tinrent compte. Les gens du monde et salonnards s’y rangèrent avec empressement, comme aujourd’hui aux théories d’Einstein. Il n’y a pas de plus bel exemple de crédulité scientifique en commun, de ruée à la servitude intellectuelle, que l’installation de cette doctrine de misère au milieu de la culture française et européenne, depuis l’autopsie de Leborgne par Broca (1861) jusqu’en 1906 environ, soit quarante-cinq ans !

Car, chose admirable, le pauvre bougre, dont le cerveau servit à Broca pour sa démonstration initiale, s’appelait Leborgne. Or celui qui utilisa cette frontale, pour y planter le drapeau du matérialisme, n’était pas borgne, mais aveugle. Il avait la cécité de l’Antidieu.

C’est ici que commence le conte de fée ; car toutes ces aventures intellectuelles du siècle buté et borné ont des solutions imprévues : il y avait, parmi les élèves de Charcot, un médecin aimable, discret, modeste et sage, d’une rare soumission aux doctrines du maître, et que l’on appelait Pierre Marie. Jamais, pendant les polycliniques, on ne l’avait vu se dissiper, ni rire, comme l’avait fait parfois Brissaud, gardien fidèle du pédoncule cérébral. Pendant de longues années, Pierre Marie, docilement, avait accepté, les yeux fermés, l’évangile matérialiste de Broca et de Charcot ; ou, du moins, rien dans la conduite de ses travaux, n’avait laissé supposer qu’il commettrait un jour le sacrilège inouï de nier le tableau de sonneries dans l’antichambre, et de