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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/310

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CONCLUSION.

On aura beau tourner et retourner la question dans tous les sens, on en arrivera toujours à ce point que des millions de Français ont payé de leur vie les sottises, même solennelles, même rythmées, même et surtout grandiloquentes, issues d’abord de la Réforme, puis de la Révolution, et vénérées au XIXe siècle. Car ce siècle a eu la bosse de la vénération, appliquée à l’absurdité. Ce fut le siècle du suicide en commun. En vain, m’inviterez-vous, devant cette évidence, à relire une page mélodieuse ou entraînante de Hugo, de Michelet ou de Renan ; je vous rirai au nez. Cette lecture m’est masquée par une brume rouge. Il n’y a pas de beau mensonge. Un mensonge, à la fin, se paie toujours cher. Parés des couleurs les plus éclatantes, les perroquets de la démocratie apparaîtront toujours couverts de sang. Les plus sanglants auront été ceux qui répétaient « paix » et « fraternité ».

Celui qui souffre et ne cherche pas à distinguer les causes de sa souffrance, pour la guérir, est stupide. L’habitant français du XIXe siècle aura souffert des maux inouis, tenant à l’imbécillité de ses dirigeants, choisis par lui, encore plus qu’à leur malfaisance ; il aura cru que ces maux étaient nécessaires. Voir la phrase désolante de Charles Bovary : « C’est la faute de la fatalité. » Il aura tourné résolument le dos à ceux qui lui démontraient, clair comme le jour, l’origine politique de ses malheurs. Le modèle de ces aveugles par persuasion, est, pour moi, le lecteur des Débats ou du Temps, où le gémissement sur les effets du curare voisine quotidiennement