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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/59

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO

Pour moi je dis, sans crainte d’errer,
Que c’est bel et bonnement de la luxure ;

Car j’observe que dès qu’on peut
Enfiler cette femme qu’on désire,
L’amour aussitôt va se faire foutre.


SONGE

J’ai vu en songe Amour, qui se plaignait
De ce que les femmes lui cherchaient noise,
De ce qu’elles le traitaient comme un chien,
Et lui donnaient gifles et coups de poings.

Le cœur de compassion m’en tressaillait,
De le voir de partout endommagé ;
Il avait un bras cassé, une main aussi,
Et cheminait comme un boiteux, un estropié.

Je jetai sur lui un regard attentif
Et je vis que de tout à fait intact
Il n’avait dans tous ses membres que l’oiseau.

Alors je me dis : « C’est signe évident
« Que les femmes n’en veulent pas à celui-là.
J’en suis resté stupéfait,
Ayant toujours entendu dire, dès l’enfance,
Que l’amour sans enfiler ne vaut pas un zest.