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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/331

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de céder au torrent ; et les ennemis d’Atahualpa se hâtèrent de le faire étrangler.

Quelques barbaries que ce prince eût exercées contre son frère, les historiens donnent des éloges à ses talens pour commander. Il était digne du trône, s’il s’y était élevé par d’autres voies. La mort d’Huascar et celle d’un grand nombre d’incas qu’il avait fait égorger, méritaient la vengeance du ciel ; mais appartenait-il aux Espagnols de s’en rendre les ministres ? Une aveugle superstition les lui avait fait recevoir au milieu de ses états ; et quoiqu’il y ait de l’obscurité dans le récit des historiens, il paraît évidemment qu’à l’entrevue de Caxamalca, s’il avait pris quelques précautions pour la sûreté de sa personne, son dessein n’était pas de commencer la querelle, ni d’employer la force ou la ruse contre des étrangers qu’il respectait. Défendre à ses gens de les attaquer, écouter paisiblement leur orateur, et, soit frayeur ou religion, ne pas rétracter ses ordres en leur voyant commencer les hostilités ; ensuite paraître ferme dans sa disgrâce ; convenir du prix de sa liberté, en presser le paiement, et contenir ses sujets dans la soumission pendant qu’on dépouillait ses palais et ses temples, ce n’était pas marquer de la haine aux Espagnols, ni leur faire soupçonner de pernicieux desseins : aussi les historiens les plus dévoués à l’Espagne traitent-ils ses juges de tyrans cruels et perfides, et remarquent-ils que tous ceux qui avaient eu