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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/135

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voise dans les villages. Il est carnassier. On le voit souvent enlever des agneaux du milieu des troupeaux qui paissent au bas des montagnes. Ulloa en fut témoin. Un jour qu’il allait de Lalanguzo à la Hazienda de Pul, qui est au pied de cette montagne, il remarqua une confusion extraordinaire dans un troupeau de moutons. Tout d’un coup il en vit partir un condor qui enlevait dans ses serres un agneau, et qui le laissa tomber d’une certaine hauteur. Ensuite il le vit fondre une seconde fois sur sa proie, la saisir, l’enlever, et la laisser retomber pour la saisir encore une fois. Enfin il le perdit de vue, parce que l’oiseau s’éloigna de cet endroit, fuyant les Indiens qui accouraient aux cris des bergers commis à la garde du troupeau.

Dans quelques montagnes, cet oiseau est plus commun que dans d’autres. Comme les bestiaux y sont toujours menacés de ses ravages, les naturels du pays lui tendent des piéges. Ils tuent quelque animal inutile, dont ils frottent la chair du jus de quelques herbes fortes ; après quoi ils l’enterrent, pour diminuer l’odeur des herbes, car on représente le condor si soupçonneux, que, sans cette précaution, il ne toucherait point à la chair. On la déterre. Aussitôt les condors accourent, la dévorent, et s’enivrent, dit-on, jusqu’à demeurer sans mouvement. Dans cet état, il est facile de les assommer. On les prend aussi près des charognes, avec des piéges proportionnés à leur force ; car ils sont d’une vigueur si surprenante, qu’ils ter-