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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/354

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amertume tout ce qu’il avait souffert depuis qu’il avait ouvert l’entrée de sa province aux étrangers, il avait formé plusieurs fois le dessein d’aller chercher un établissement dans des lieux fort éloignés ; qu’à la vérité il mettait beaucoup de différence entre les Anglais, dont il avait reconnu la modération, et les Espagnols, qui n’avaient pas cessé de traiter ses peuples avec la dernière cruauté ; mais que, ne voyant point paraître les secours qu’on lui avait promis d’Angleterre, il devait juger que les méchans étaient les plus forts, surtout lorsqu’il n’entendait parler que de l’armement qui se faisait à la Trinité, et des nouvelles entreprises de Berréo depuis qu’il s’était racheté des mains des Anglais ; que les révolutions qui étaient arrivées dans le pays en avaient banni non-seulement la tranquillité, mais l’humanité et la bonne foi, et leur avaient fait succéder les défiances, les trahisons, et les plus étranges barbaries ; que l’amitié n’y était plus connue, que personne ne dormait en paix, et qu’on ne voyait point de remède à tant de maux ; enfin que, perdant l’espérance d’être secouru par les Anglais, ne pouvant se résoudre à vivre avec les Espagnols, il avait pris la résolution d’éviter tout commerce avec les uns et les autres, disposé à souffrir patiemment des malheurs qu’il ne pouvait empêcher, c’est-à-dire, sa ruine et celle de sa patrie.

Keymis fut frappé de ces plaintes si raisonnables : son étonnement augmenta lorsque le