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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/180

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la Petite-Famine, à une lieue ; celle de la Grosse-Écorce, à même distance. Quoique les apparences eussent promis un beau temps, il changea tout d’un coup, et l’observateur eut beaucoup de peine à gagner la terre la plus proche, dont il était encore à trois lieues. Il aborda, vers sept heures du soir, à l’anse de la Famine, qui porte ce triste nom depuis que M. de La Barre, gouverneur de la Nouvelle France, faillit d’y perdre toute son armée par la faim et les maladies, en allant faire la guerre aux Iroquois. Les bords du lac y sont couverts de forêts, dans lesquelles on distingue les chênes blancs et rouges, qui s’élèvent jusqu’aux nues. On y voit un autre arbre de la plus grande espèce, dont le bois dur, mais cassant, ressemble à celui du plane, et dont la feuille, à cinq pointes de médiocre grandeur, est d’un très-beau vert en dedans, et blanche en dehors. C’est une espèce de cotonnier, qui porte dans une coque, de la grosseur de celle des marrons d’Inde, un coton dont il est malheureux qu’on ne puisse faire aucun usage. À 43 degrés de latitude, et dans une saison aussi avancée, où l’on ressentait quelquefois des chaleurs telles qu’on les éprouve en France au mois de juillet, l’observateur était fort surpris de ne pas voir encore une feuille aux arbres. Il attribue cette lenteur de la nature aux neiges dont la terre a été couverte pendant plusieurs mois ; elle n’est pas encore assez échauffée pour ouvrir les pores des racines et