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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/294

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de leurs propres yeux, ont raconté que, dans un voyage qu’ils faisaient avec des sauvages, et pendant le repos de la nuit, un de ces barbares s’éveilla dans une étrange agitation. « Il était hors d’haleine, il palpitait, il s’efforçait de crier sans le pouvoir, et se débattait comme un furieux. Toute la troupe fut aussitôt sur pied. On le crut d’abord dans un accès de frénésie ; on se saisit de ses mains, on mit tout en usage pour le calmer. Les secours furent inutiles. Ses fureurs croissant toujours, et la difficulté augmentant pour l’arrêter, on cacha toutes les armes. Quelques-uns s’avisèrent de lui faire prendre un breuvage d’une décoction de certaines herbes ; mais, pendant la préparation, il trouva le moyen de s’échapper, et sauta dans une rivière. On l’en retira sur-le-champ. Il avoua qu’il avait grand froid : cependant il ne voulut point approcher d’un bon feu qu’on avait allumé dans l’instant. Il s’assit au pied d’un arbre, en demandant qu’on remplît de paille une peau d’ours. On exécuta ses volontés ; et comme il paraissait plus tranquille, on lui présenta le breuvage qui se trouva prêt. C’est à cet enfant, dit-il, qu’il faut le donner ; et ce qu’il appelait un enfant était la peau d’ours. Tout le breuvage fut versé dans la gueule de l’animal. Alors on lui demanda quel était son mal. J’ai songé, répondit-il, qu’un huart m’est entré dans l’estomac. Quelque idée que les autres attachassent à cette réponse, ils se mirent aussitôt à contrefaire les