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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/224

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petites coupes carrées de feuilles de bananier pliées d’une manière curieuse ; il nous présenta poliment de ce délicieux breuvage, et par civilité nous en goûtâmes : son insipidité et son âcreté nous donnèrent des envies de vomir. Le saint homme en prenait chaque soir de si grandes doses, qu’il s’enivrait complètement. Il ne faut pas s’étonner si la mémoire lui manquait quand il récitait des prières, s’il était maigre, si sa peau était écaillée, et enfin s’il avait le visage ridé et les yeux rouges. Il paraissait jouir de beaucoup d’autorité sur le peuple, et était toujours suivi d’un certain nombre de domestiques chargés de remplir ses coupes. Il gardait les dons qu’il recevait de nous, au lieu qu’Attago et plusieurs autres chefs donnaient à leurs supérieurs tout ce que nous leur offrions.

» Ce prêtre était accompagné de sa fille, à laquelle nous fîmes tous des présens. Elle avait des traits extrêmement réguliers, et était plus blanche que la plupart des femmes de l’île, qui semblaient lui montrer des égards. Quand on se nourrit des meilleurs fruits d’un pays, et qu’on passe sa vie loin des ardeurs du soleil, dans l’indolence et les plaisirs, on a naturellement le teint plus clair et les traits du visage plus délicats que ceux qui mènent une vie plus dure. Ne peut-on pas en conclure que le luxe commence à s’établir dans cette île sous le voile de la religion, et que l’on y pourra voir un jour cette nation soumise aux jongleries indécentes de ses prêtres ?