Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mède, la curiosité l’emporta sur la colère ; et, voulant être témoin d’un fait que tant de gens révoquent en doute, j’ordonnai qu’on fît griller un morceau de cette chair, et qu’on le portât sur le gaillard d’arrière. Ce mets détestable ne fut pas plus tôt offert aux Zélandaîs, qu’un des anthropophages le mangea avec une avidité surprenante. À cet odieux spectacle, les uns, en dépit de l’horreur que nous inspire l’éducation pour la chair humaine, ne semblèrent pas fort éloignés de partager ces mets, et ils essayèrent de faire de l’esprit en comparant les batailles des Zélandais à des chasses. D’autres étaient si furieux, qu’ils voulaient qu’on massacrât tous ces cannibales, étant prêts à devenir de détestables assassins pour punir le crime imaginaire d’un peuple qu’ils n’avaient aucun droit de condamner : plusieurs vomirent comme s’ils avaient pris de l’émétique ; le reste déplorait la brutalité de la nature humaine.

» Oedidi en fut tellement affecté, qu’il devint immobile, et parut pétrifié ; son visage exprimait l’horreur. Son agitation se peignit dans tous ses traits d’une manière impossible à décrire. Revenu de cet état, il fondit en larmes, et continua de pleurer et de faire de vifs reproches aux Zélandais, en les traitant d’hommes méprisables, et leur disant qu’il n’était pas ni ne serait jamais leur ami. Il ne souffrit pas même qu’ils le touchassent. II tint le même langage à celui qui avait coupé le