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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/357

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hommes, et même les femmes chargées de leurs petits enfans, s’étaient jetés au milieu des flots pour gagner l’autre barque. Il était monté dans celle qu’ils avaient abandonnée, et, les ayant suivis jusqu’à l’autre, il les avait sauvés comme malgré eux en les conduisant au port.

Ils avaient pris terre le 28 décembre 1696. Tous les habitans du bourg, dont la plupart étaient chrétiens, les avaient reçus avec beaucoup d’humanité. Ils avaient mangé fort avidement des cocos ; mais, lorsqu’on leur avait présenté du riz cuit à l’eau, qui est la nourriture de toute l’Asie, ils l’avaient regardé avec admiration, et prenant les grains pour des vermisseaux, ils avaient refusé d’y toucher. Rien n’avait tant satisfait leur goût que les grosses racines, surtout celles qu’on nomme salavans. On avait fait venir d’un autre bourg de l’île deux femmes que les vents avaient jetées autrefois sur la même côte. Elles les avaient aussitôt reconnus à leur langage, et, s’étant fait reconnaître aussi pour être des mêmes îles, ils s’étaient mis tous à pleurer de tendresse et de joie. Les respects qu’ils avaient vu rendre au missionnaire du bourg leur avait fait juger qu’il était le maître du pays, et que leur vie était entre ses mains. Ils s’étaient jetés à terre pour implorer sa miséricorde et lui demander la vie. Sa compassion pour leurs peines, et les caresses qu’il avait faites à leurs enfans avaient achevé de leur inspirer de la confiance. Il les avait distribués dans les maisons des habitans,