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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 6.djvu/302

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Il admira particulièrement, à une journée et demie de Bember, une montagne qui n’offrait que des plantes sur ses deux faces, avec cette différence qu’au midi, vers les Indes, c’était un mélange de plantes indiennes et européennes ; au lieu que du côté exposé au nord il n’en découvrit que d’européennes, comme si la première face eût également participé de la température des deux climats, et que celle du nord eût été tout européenne. À l’égard des arbres, il observa continuellement une suite naturelle de générations et de corruptions. Dans des précipices où jamais homme n’était descendu, il envoyait plusieurs qui tombaient ou qui étaient déjà tombés les uns sur les autres morts, à demi pouris de vieillesse, et d’autres jeunes et frais qui renaissaient de leur pied. Il en voyait même quelques-uns de brûlés, soit qu’ils eussent été frappés de la foudre, ou que, dans le cœur de l’été, ils se fussent enflammés par leur frottement mutuel, étant agités par quelque vent chaud et furieux, soit que, suivant l’opinion des habitans, le feu prenne de lui même au tronc, lorsqu’à force de vieillesse il devient fort sec. Bernier ne cessait d’attacher les yeux sur les cascades naturelles qu’il découvrait entre les rochers. Il en vit une à laquelle, dit-il, il n’y a rien de comparable au monde. On aperçoit de loin, du penchant d’une haute montagne, un torrent d’eau qui descend par un long canal sombre et couvert d’arbres, et qui se précipite tout