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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/156

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assez près du blessé ; et le jugeant hors d’état de rien entreprendre après l’avoir détaché, il laissa cette arme dans l’endroit où il l’avait mise d’abord. À peine le Macassar fut-il en liberté d’agir, qu’il commença à allonger les jambes et à remuer les bras comme pour les dégourdir. Je m’aperçus qu’en répondant aux questions que je lui faisais, il se retournait, et, tâchant de gagner terrain, s’approchait insensiblement de la hallebarde pour s’en saisir. Je connus son dessein ; et m’adressant au sergent : « Tiens-toi près de ta hallebarde, lui dis-je ; voyons jusqu’où cet enragé poussera l’audace. » Dès qu’il fut à portée, il ne manqua pas de se jeter dessus pour la saisir en effet ; mais, ayant plus de courage que de force, il se laissa tomber presque mort sur le visage. Alors voyant qu’il n’y avait rien à espérer de lui, je le fis achever sur-le-champ.

» J’étais frappé de tout ce que j’avais vu faire à ces hommes, qui me paraissaient si différens de tous les autres, et je souhaitai d’apprendre d’où pouvait venir à ces peuples tant de courage, ou pour mieux dire tant de férocité. Des Portugais, qui demeuraient dans les Indes depuis l’enfance, me dirent que ces peuples étaient habitans de l’île de Célèbes ou Macassar ; qu’ils étaient mahométans schismatiques et très-superstitieux ; que leurs prêtres leur donnaient des lettres écrites en caractères magiques, qu’ils leur attachaient eux-mêmes au bras, en les assurant que, tant qu’ils les porteraient sur eux,