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Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/100

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— Ma foi ! dit Jean de Paris, le sergent a raison, ce n’est pas moi qui l’abandonnerai. – Ni moi, mort de ma vie ! – Ni moi !… ni moi !…

Tour à tour six aventuriers sur huit se glissèrent hors du port.

— Et nous ? demanda le Provençal au Napolitain. – Fais ce que tu voudras, mon petit ; moi, j’ai mon plan. – Tu es un vieux brave, Colletti, tu ne bouges pas ; voyons !… – Je dis qu’à neuf ils sont capables de mettre tous ces sauvages en déroute ; mais que si personne ne garde les canons, les canons les achèveront au moment de rentrer. – C’est vrai ! – Mais au contraire, s’ils se font tous tuer, continua Colletti, les Malgaches courront ici en masse ; – alors, je fais feu à mitraille presqu’à bout portant… Après, ils me tueront peut-être. Ce n’est pas pour me ménager que je reste en faction.

— Nous sommes trop de deux ! dit le Provençal, tu tireras bien deux fois tout seul !… je file !… – Non ! reste ! – Pourquoi faire ? – J’ai une idée. – Ça s’est vu.

— Je décharge mes deux canons l’un après l’autre ; je mets bas quelques centaines de coquins, voilà qui va bien ! Je tâche de recharger, mais bah ! ils savent au juste notre compte, ils continuent à courir et me tuent derrière mon embrasure… – Bon ! fit Patru le Provençal ; mais moi ?… – Toi, tu vas tranquillement aller fumer ta pipe à côté de la poudrière ; et, quand ils seront dans le fort par milliers… tu secoueras ta cendre rouge dans un baril… – Pour plus de sûreté, je prends une mèche… Tiens, Colletti, mon vieux, je te croyais de l’esprit, mais pas tant que ça.

Sur ces propos, les deux camarades se serrèrent la main sans se séparer encore, car l’action, loin de se rapprocher, s’éloignait, et à défaut de la bataille, le Provençal n’était pas fâché d’en avoir le spectacle.