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Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/99

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— Chien de sort ! s’écria Jean de Paris en se jetant sur son mousquet.

— Tonnerre d’enfer ! encore du grabuge ! fit Moustique, jamais de nuit franche, toujours branle-bas !

Latterisse, Malbranchu, Pic et Saur lâchèrent chacun deux ou trois jurons ; et la troupe fut sous les armes derrière les meurtrières, prête à faire feu.

— Ah ça ! il nous manque du monde ? s’écria le sergent. – Manquent Brise-Barrot et le Camard, qui sont en maraude. – Vous verrez qu’ils se seront fait pincer !… dit le sergent à demi-voix. – Je reconnais la Clarinette du Camard, fit Jean de Paris. – Et moi la Foudroyante à Brise-Barrot, ajouta Moustique. – Ils tiennent bon adossés au gros manguier de la coulée, dit le Napolitain, qui avait la vue excellente.

— Vous êtes tous des marsouins ! s’écria le sergent Franche-Corde avec fureur. Si vous m’aviez cru hier soir nous serions au large à l’heure qu’il est, – en pirogue, c’est vrai, – avec chance de nous noyer, mais aussi avec chance de parer la coque.

Les sauvages de malheur entourent le manguier, hors de portée de fusil… Encore deux braves de moins tout à l’heure !…

— Dites trois ou dites onze, camarades ! s’écria le sergent, j’ai envie d’en finir, moi ! mille cornes du diable !… Qui est de mon avis me suive !… Je ne commande plus, je me bats à mort !…

À ces mots, le sergent franchit les palissades et disparut en rampant, le fusil en bandoulière.

La lune était voilée par d’épais nuages. Les gens de Manambaro qui entouraient Brise-Barrot et le Camard n’aperçurent pas le vaillant sous-officier qui, bien résolu à périr cette fois, n’était pas moins résolu à sacrifier à son désespoir une trentaine de guerriers ennemis.