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Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/498

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la revue blanche

duel, et vous pousse souvent à de fâcheuses extrémités, voire pointes, ce sont ces : tac, tac, tac des lames ? J’aime mieux ne jamais me battre et soudoyer un horlpger. C’est plus utile dans la vie actuelle. Si votre temps est limité, monsieur Canon, voulez-vous… économiser l’usure du cran du chronomètre ? Je comprends que les Allemands ne remportèrent la victoire qu’après avoir remporté les pendules. La force est instantanée, et l’instant — pardon, monsieur Canon, je ne gaspillerai pas les vôtres — est le nombril de l’éternité. Je vois que… tout ce « rassemblement » de peuple armé s’est assez éclairci maintenant. Il y a assez peu de gêneurs pour que nous ayons tout loisir de combats partiels.

— Vous n’êtes pas Homère ? dit Canon, agacé du discours.

— Pas exactement, non, fut la réponse rassurante.

D’autres couples hostiles, à la lisière du champ, dialoguaient.

— Où c’est qu’est l’ennemi ? ânonnait un grand diable de paysan beauceron, qui ne tremblait pas parce qu’il n’avait pas encore commencé à comprendre.

— Le général sait ce qu’y fait, mais c’est-y em…ant de faire le Jacques, alors qu’on-serait si bien dans son pieu…

— Bête ! répondait un sergent, l’ennemi c’est pas malin, c’est les manchons blancs.

La lune saupoudrait de blanc tous les képis, ainsi que la farine rituelle des immolations antiques.

Le soldat regarda l’autre au-dessus de la visière sans s’inquiéter de sa figure, tressaillit, dit, exceptionnellement : « Han ! » parce que cette onomatopée respiratoire ouvre la bouche alors que « M… ! » la ferme, pencha son fusil et plongea la baïonnette.

La pointe pécha le sergent comme une fourchette une simple sardine.

Les balles familières se faufilaient partout, avec un gazouillis preste, comme des roitelets des haies.

— Voulez-vous, continua Erbrand Sacqueville, convenir qu’il soit défendu de parer ?

Le capitaine Canon, qui n’était pas un pleutre, frissonna un peu.

— Ne vous effrayez pas, dit Sacqueville. De toutes façons, Glodyte — que je vous présente — est trop délicate pour permettre à ses amants de la froisser. Je n’en, suis pas jaloux, je la tiens par le bout pratique. Mais elle défend toujours de parer.

Et moi non plus, ajouta-t-il, je ne pare pas : je tire… avant. Ces deux mots furent la devise d’un guerrier de votre grade. J’ai tiré une fois, au fleuret, ganté et masqué, contre un maître d’armes et on ne m’y reprendra plus : il m’a tapoté pendant dix