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Page:La Revue du Mois, tome 0, 1905.djvu/7

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LE HAUT COMMANDEMENT DANS L’ARMÉE FRANÇAISE

par la nature infime des sujets qui forment le fond de son discours : aucune grande pensée militaire, ni impression d’ensemble, ni enseignement sérieux retenant l’esprit des officiers et le portant à la méditation.

Des mots souvent, des expressions tirées du vocabulaire stratégique ou tactique que les grands professeurs de l’École supérieure de guerre, comme les Maillard, les Langlois et les Bonnal, ont lancés dans la circulation — il fallait bien que ces maîtres exprimassent en termes génériques et de signification forcément générale des idées de même nature quoique comportant des différences notables dans l’application — toutes phrases dissimulant mal l’absence de conviction précise et raisonnée sur l’enseignement à déduire des événements du jour[1].

Avouer ses imperfections, c’est être fort déjà, puisque cet aveu implique le désir, sinon la volonté, de porter remède à une situation défectueuse. Or, il est impossible de nier l’inactivité physique et l’inférieure mentalité militaire d’un grand nombre de nos généraux.

Il serait injuste, d’ailleurs, de les charger de toute responsabilité : nul n’est maître de rester jeune à l’âge ordinairement tardif où s’obtiennent les étoiles et rien, jusqu’ici, n’est venu favoriser la formation professionnelle d’un État-Major-Général réellement à hauteur de sa grande mission.

Ce fut naguère une opinion très répandue, dans le public comme dans l’armée, que la gravité des circonstances déterminait l’éclosion et la mise en lumière du génie militaire appelé à devenir le sauveur de la patrie.

Le grand Condé demeurera longtemps comme le prototype de ces guerriers illustres qui surgissent soudain, ainsi que l’éclair jaillit du nuage, au milieu d’une période troublée : tout

  1. Le rédacteur militaire d’un journal parisien s’étonnait récemment de voir, pendant les dernières manœuvres de l’Est, de nombreux généraux choisir leur poste d’observation sur la ligne même des tirailleurs, à une place où ils ne pouvaient communiquer qu’aux rares compagnies placées dans leur voisinage immédiat.

    Ce journaliste, à qui échappait le sens profond de son observation, n’a pas compris que ces généraux, revenaient naturellement à la fonction dont ils se sentaient les aptitudes et se transformaient inconsciemment en simples chefs de bataillon.