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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/138

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Il me reste à peine cinq louis et je n’ai pas d’emploi ; la plupart de mes bijoux ont pris le chemin du Mont-de-Piété et j’ai vendu les reconnaissances. Que vais-je devenir ? Je suis lasse de lire les annonces des journaux et je ne veux pas d’une place de femme de chambre. Non, je ne veux pas de cette servitude honteuse, de ce rôle dégradant. J’ai encore une dignité et je ne pourrais pas me plier aux exigences fantasques et blessantes d’une grosse bourgeoise bouffie et vaniteuse. C’est bête peut-être, mais je préfère encore le trottoir à cette sorte d’entrée en maison close. Car la plupart du temps, ça n’est ni mieux ni pire. Quand il n’y a pas un mari amateur de changement, il y a des fils ou des valets et le profit n’en vaut pas la peine, après tout. Au bordel, au moins, les femmes gagnent de l’argent et elles ne torchent pas le derrière malpropre d’une madame.

Faut vraiment avoir faim et manquer de tout pour accepter d’être femme de chambre ; je sais bien qu’il y a des exceptions, mais elles sont si rares ! Et puis jusqu’à ce qu’on tombe sur une bonne place, combien de mauvaises faut-il faire avant ?