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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/139

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Et je me connais. Je ne pourrais pas me refuser. Ça, c’est réglé depuis le coup du grand-duc. Et cependant, ce n’est pas par plaisir, ah Dieu non ! Je suis trop lâche, je suis trop bête aussi, et je n’ose pas dire non. C’est ridicule évidemment, mais quoi !

Je suis allée rue Madame chez une bonne femme qui place des gouvernantes à l’étranger. Elle m’a proposé une place à Buenos-Ayres… Justement, un grand seigneur lui demandait une jeune Française, jolie, bien faite, pour deux petites filles. Je conviens tout à fait… Je peux partir quand je voudrais avec le courrier de monsieur qui est venu tout exprès. Je n’ai qu’à me rendre à la gare du Nord demain, je rencontrerai le courrier et nous partirons tout de suite… Les gages sont superbes… C’est oui, n’est-ce pas ?

Est-ce intuition, est-ce méfiance, je ne sais ; j’ai flairé un piège. La vieille avait un air louche, un air de maquerelle ; et puis ça m’a paru bizarre, cette coïncidence… « J’ai justement une place magnifique à Buenos-Ayres »… et ce courrier de seigneur argentin qui semble tomber de la lune et qui attend à la gare du Nord.