Aller au contenu

Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161
LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

et bien reposée demain, mais je suis sûre que je ne dormirai pas.

Cette vie nouvelle m’attire et je n’éprouve pas d’effroi du changement. Au contraire, avec quelle joie je romps tous les liens qui m’attachent à la vie de débauche que j’ai subie depuis mon départ de chez Cécilia. C’est fini, bien fini… Plus de parties de cartes au petit café, plus de conversations sales avec les « collègues », plus de promenades au Luxembourg, et surtout, ah ! surtout plus de « travail » dans les hôtels borgnes de la rue Monsieur-le-Prince…

Je vais travailler, demain… Et chaque soir, après le dîner, je ferai quelques pas sur les quais pour prendre l’air, puis je rentrerai bien sagement, toute seule, dans le dortoir, et je dormirai d’un somme jusqu’au matin, jusqu’à l’heure de descendre pour recommencer le travail, le bon, le sain travail.

Et j’aime déjà les malades ; je me les figure enfouis dans le linge blanc, le bonnet de coton tiré sur les oreilles, et regardant les allées et venues des infirmières, des étudiants et des docteurs. J’en vois de vieux tout courbés, avec des cheveux blancs et de petites voix douces,