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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/250

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Je demeure étendue sur ma chaise-longue, sous le grand sapin, avec le Chamossaire aux rochers dentelés pour confident. Je sommeille à demi, dans la paix grandiose des montagnes ; je ne pense à rien, je ferme les veux et je n’entends que le frémissement de la brise dans les branches.

Il fait bon, sous le sapin ; il me semble que j’ai toujours vécu là et que rien ne s’est passé… Le presbytère, le grand-duc, le Luxembourg, l’hôpital, le colonel, tout cela me paraît un rêve baroque, quelque chose de risible et de douloureux à la fois, une histoire que j’ai dû entendre quelque part, je ne sais plus où ; oui, j’ai dû sommeiller bien longtemps, depuis mon enfance et je m’éveille maintenant, je commence seulement à vivre. C’est pour cela que je suis si faible, sans doute ; j’ai dormi trop longtemps, pendant des années…

J’ai un gentil petit chalet, un vieux petit chalet roux bâti jadis par les grands-pères des vieux d’à-présent. Il est tout en bois, mon chalet et il craque de partout, comme s’il allait s’abattre, saoul de vétusté ; mais il est solide et je n’ai pas peur.

Les fenêtres toutes petites semblent cligner