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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/70

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

— Elle est couchée, comme toujours, tiotia Alexandra ; elle a mal aux jambes, pauvre mamacha !

Et son museau rieur s’attrista subitement.

Serge et Alexis se serraient contre la tsarine qui leur parlait en russe ; je ne comprenais pas tout, mais souvent le mot mamacha revenait sur ses lèvres, et les enfants écoutaient, la mine grave.

Le défilé des invités avait cessé et les groupes se formaient, plus compacts. Le tsar avait quitté son trône pour se mêler à quelques vieux diplomates qui causaient à l’écart.

Dissimulée derrière le haut dossier du fauteuil de la tsarine, je contemplais la foule et soudain, je tressaillis. De l’autre côté du trône, le grand-duc Alexandre, rouge, congestionné, les lèvres tremblantes, me regardait d’un œil avide. Dans l’excitation de la fête, je l’avais oublié complètement, et il surgissait maintenant, tel un épouvantail. Il me sembla qu’il allait se jeter sur moi ; toute son attitude dénotait une telle exaltation que j’eus peur, l’espace d’une seconde. Il avait dû boire pour être si rouge. Je fis quelques pas pour me soustraire à sa vue et je revins auprès de l’Im-