vait indiquées, il y avait un vieux procureur
de l’amirauté, chez qui j’avais ordre
de porter du beurre. Un jeune homme,
m’ayant vu entrer chez son père, eut la
curiosité de me voir et me cajola pendant
tout le temps que je fus chez eux : de toutes
les belles choses qu’il me dit, je n’entendis,
ou du moins, je ne compris bien
qu’un compliment gracieux qu’il me fit
sur ma beauté ; la femme a toujours des
oreilles pour cela ; au reste ce jeune homme
n’était rien moins que beau : des yeux
bleus foncés dans un front relevé en bosse,
un nez extrêmement court, forces marques
de petites véroles. Voilà celui qui
m’a le premier conté fleurettes. On s’imagine
assez que je ne répondis rien à ses discours,
j’étais trop timide encore pour oser
répliquer. J’avais laissé ma langue au village,
que je regrettais de bon cœur dans
cet instant-là.
Au sortir de cette maison, je vendis ce qui me restait, et je retournai fort paisiblement chez mon père sans faire aucune réflexion ; car j’étais si neuve, que je ne pensais pas même aux choses obligeantes qu’on m’avait dites.