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Page:La belle Cauchoise, 1788.djvu/22

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femme de ne pas perdre une seule goutte de ce liquide précieux ; enfin, après une heure de tourment et de combat, mon champion entra dans le fort, il fut complètement vainqueur ; mais ce fut avec tant de peine que je ne crus jamais me retirer vivante de cet assaut terrible. Je criais au meurtre, à l’assassin, je hurlais presque. C’est donc ainsi, lui dis-je, que tu abuses de ma confiance ? Tu veux donc que je périsse ? Ce fut en achevant ces mots que mes yeux s’égarèrent ; ils brillèrent et s’éteignirent tout à la fois dans ce même instant, et mon âme suspendant alors toutes ses fonctions, mes joues s’enflammèrent : un feu brûlant parcourut toutes mes veines, une douce ivresse s’empara de tous mes sens, enfin je fus dépucelée !

Voilà l’époque la plus intéressante de ma vie ; c’est à cette époque heureuse que je rapporte mes plaisirs, mes chagrins, mon bonheur, mes infortunes ; que dis-je, c’est dès lors seulement que j’ai commencé à vivre, tout m’a paru beau depuis mon coup d’essai. Quelqu’un dira peut-être que je le fis trop tôt. Mais n’est-ce pas à quinze ans que l’on doit entrer dans le monde ?