Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eu l’occasion de fréquenter les chrétiens et s’est affilié à leur secte.

Ici, il faut traduire le texte même de Lucien[1] :

Ce fut vers ce temps-là que Peregrinus apprit à connaître l’admirable sagesse des chrétiens, en fréquentant en Palestine quelques-uns de leurs prêtres et de leurs exégètes… Il leur fit bientôt voir qu’ils n’étaient que des enfants, en comparaison de lui. Il était leur prophète, leur thiasarque et leur chef d’assemblées, jouant à lui seul tous les rôles. Il interprétait, il paraphrasait leurs livres ; il en composa lui-même un bon nombre. Les chrétiens le regardèrent bientôt comme un Dieu. Ils acceptèrent ses lois et firent de lui un personnage de premier plan.

Le sens des deux lignes qui suivent est moins sûr. C’est, semble-t-il, une sorte de parenthèse où Lucien rappelle l’origine de la secte chrétienne.

(Les chrétiens) adorent encore ce grand homme qui fut crucifié en Palestine, parce qu’il introduisait dans la vie ces nouveaux mystères[2].

C’est pour cela que Protée fut arrêté et jeté en prison. Cet événement lui assura pour le reste de sa vie un grand prestige dont bénéficia son activité de faiseur de miracles, et ce goût d’ambition qui était une passion chez lui.

Du jour où il fut dans les fers, les chrétiens qui regardaient son aventure comme un désastre mirent tout en œuvre pour le délivrer ; et comme cela leur était impossible, ils lui rendirent du moins toutes sortes de services avec un zèle infatigable. De bon matin, on voyait autour de la prison une foule de vieilles femmes, de veuves et d’orphelins. Les principaux chefs de la secte passaient la nuit avec lui, après avoir gagné à prix d’argent les geôliers ; ils faisaient apporter des mets de toute espèce, et ils se lisaient leurs discours sacrés. Enfin le brave

  1. Peregrinus, chap. xi et s. (éd. Fritzchiuse siècle, II, p. 74).
  2. Τὸν μέγαν γοῦν ἐκεῖνον ὃν ἔτι σέβουσι τὸν ἄνθρωπον τὸν ἐν τῇ Παλαιστίνῃ ἀνασκολοπισθέντα, ὅτι καινὴν ταύτην τελετὴν εἰσήγαγεν ἐς τὸν βίον.Meiser (Sitz.-Ber. München, 1906, p. 313 et s.) propose, au lieu de γοῦν, le mot γόητα, et suppose que quelque chose est tombé au début de la phrase, Καλοῦνται δὲ χριστιανοὶ, οἵ τὸν μέγαν γόηταetc., ce qui signifierait : « On appelle chrétiens ceux qui adorent le grand goète, celui qui fut crucifié, etc. »