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La compassion spéciale du christianisme à l’égard du pécheur demeure pour lui une énigme et un scandale :

Quand, oralement ou par écrit, nous invitons les gens qui mènent une vie mauvaise à se convertir, observe Origène[1], que nous les exhortons à changer de sentiments et à améliorer leur âme, alors Celse dénature notre attitude et prétend que nous enseignons que Dieu n’a été envoyé que pour les pécheurs[2]. Il demande : « Pourquoi n’a-t-il pas été envoyé à ceux qui sont exempts de péché ? Est-ce donc un mal que de n’avoir pas commis de péché ? » Voici notre réponse : si, par ceux qui sont « exempts de péché », Celse entend ceux qui ne pèchent plus, alors Jésus, notre Sauveur, a été envoyé pour eux aussi, mais non à titre de médecin. Si, au contraire, il fait allusion à ceux qui n’ont jamais péché — car ses expressions ne sont pas bien claires — nous déclarons qu’il est impossible qu’il y ait un homme qui n’ait jamais péché en ce sens-là, excepté Celui qui parut en la personne de Jésus et « ne commit jamais le péché[3] ».

Enfin, pour combattre « l’anthropocentrisme » chrétien[4], le rôle prépondérant attribué à l’homme dans l’ensemble de la création, Celse se livrait à de longues et paradoxales comparaisons entre l’homme et l’animal, opposant par exemple la cité organisée, policée, des abeilles à la tumultueuse cité humaine ; attribuant aux fourmis le langage et une sorte de piété filiale à l’endroit du « tombeau de leurs ancêtres », aux aigles et aux serpents une intuition thérapeutique qui leur permettrait de repérer à l’usage de leurs petits certains remèdes efficaces, aux oiseaux une sorte d’intimité avec Dieu, dont ils décèlent les volontés par les signes qu’ils fournissent à l’art divinatoire, aux éléphants un respect exceptionnel de la sainteté du serment et de la

  1. III, 62.
  2. Cf. Saint Matthieu, IX, 11-13 ; Saint Marc, II, 15-17 ; Saint Luc, V, 30-32.
  3. Cf. I Pierre, II, 22.
  4. Et qui avait été stoïcien, avant de devenir chrétien.