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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/144

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événements dont ils avaient été les témoins tant de candeur et de bonne foi qu’ils n’ont même pas songé à retrancher de leurs récits miraculeux certaines circonstances qui pouvaient leur faire du tort aux yeux de la masse[1]. Rien de plus éloigné des finesses du bien-dire, rien aussi qui sente moins l’artifice et l’imposture que les Évangiles. Leur force divine est faite de leur simplicité même, où rien n’apparaît des ruses de la sophistique, ni des jeux frivoles de la rhétorique[2].

Origène ne croit pas que la vertu initiale du christianisme se soit affaiblie, ni que l’action de l’Esprit ait amorti son efficacité parmi les nouvelles générations chrétiennes. De cette vitalité, il voit plus d’une preuve. D’abord l’héroïsme des martyrs — insultés, ravalés par Celse. Non qu’il en exagère la multitude. Il déclare même, dans un passage célèbre du livre III, § 8, que Dieu, protecteur des chrétiens, et qui déjoua plus d’une fois les complots fomentés pour les anéantir, a permis, afin d’éveiller dans les cœurs un même dédain de la mort, que « de temps en temps un petit nombre, bien faciles à compter, périssent » (ὀλίγοι κατὰ καιροὺς καὶ σφόδρα εὐαρίθμητοι) ; mais que « toujours il a su préserver d’une destruction totale le peuple chrétien », car « il fallait que fût répandue par toute la terre la doctrine du salut ». Les historiens soucieux de réduire l’importance des persécutions (Dodwell, Voltaire, E. Havet, par exemple) ont été bien aises de rencontrer ce texte et l’ont exploité triomphalement. Ils n’ont pas réfléchi qu’Origène écrit aux environs de l’année 248, avant la persécution de Dèce, avant celle de Valérien, avant celle

  1. III, 28 ; cf. II, 15.
  2. III, 39.