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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/161

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des passages qu’il est difficile ou même impossible de défendre, si on les prend au pied de la lettre ? C’est surtout dans le Περὶ ἄρχων (= De Principis), rédigé une vingtaine d’années avant le traité Contre Celse, qu’il avait exposé franchement ses vues à ce propos :

Quel homme sain d’esprit, demandait-il[1], pourrait croire qu’il y eut un premier, un second et un troisième jour, avec un matin et un soir, alors que le soleil n’existait pas encore, ni la lune, ni les étoiles — et un premier jour sans ciel ? Qui serait assez sot pour admettre que Dieu, comme un jardinier, a planté un jardin… et dans ce jardin un arbre de vie dont le fruit, mangé avec des dents véritables, eût communiqué la vie ou inversement la connaissance du bien et du mal ? Quand il est dit que Dieu se promenait à midi dans le Paradis et qu’Adam se cacha sous un arbre, personne, je pense, ne doute un instant que ce soient là des figures, une histoire apparente, qui ne s’est pas matériellement réalisée, mais qui symbolise de mystérieuses vérités. Lorsque Caïn fuit la face de Dieu, le lecteur intelligent est tout de suite induit à chercher ce que peut être cette face de Dieu et en quel sens on peut lui échapper. Ai-je besoin d’en dire davantage ? Innombrables sont les passages où l’on sent, à moins d’être totalement obtus (τῶν μὴ πάνυ ἀμβλέων), que bien des choses furent écrites comme si elles étaient arrivées, mais ne sont pas arrivées au sens littéral… Que tous ceux qui ont souci de la vérité s’inquiètent donc peu des mots et des paroles, et se préoccupent plus du sens que de l’expression.

Expliquer par l’allégorie ces passages compromettants (il en cite divers autres encore), ce n’était pas, au gré d’Origène, manquer de respect à la Bible, mais bien au contraire dégager des apparences la substance de ses enseignements.

Depuis lors, il avait continué dans ses conférences à appliquer les mêmes méthodes d’interprétation, non sans rencontrer des résistances parmi ses auditeurs où les « amis de la lettre » étaient nombreux, et s’effarouchaient

  1. De Princ., IV, iii, 1 (Koetschau, p. 323, l. 17 et suiv.).