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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/168

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irréductibles de Dieu et de l’univers, deux attitudes tout opposées à l’égard de l’Empire, voilà ce que montre à plein la controverse dont le grand traité d’Origène nous a permis de connaître l’esprit et la méthode.

Origène sent Dieu tout près de l’homme. Il admire la continuité avec laquelle, depuis les débuts de l’humanité, s’est exercée l’action providentielle et l’économie si bien mesurée des divines sollicitudes. — Le Dieu de Celse est un Dieu sans passions, sans amour, un Dieu « très grand », qui gouverne le monde par des lois générales et, du haut de l’habitacle où il goûte une félicité infinie, ne réserve à l’homme aucune dilection particulière. Le principe même d’une Incarnation, c’est-à-dire d’une mise en contact du Divin avec la matière charnelle, apparaît à Celse comme un postulat qui suffit pour disqualifier le christianisme, tant il contredit les plus sûres acquisitions de la pensée philosophique[1].

Mais si la « chimère » chrétienne est aussi à ses yeux un péril public, c’est qu’elle attaque de front, sur des points vitaux, la civilisation à laquelle il reste lui-même profondément attaché. Il constate que le christianisme est déjà une force et, selon lui, cette force coopère du dedans aux autres forces destructrices qui menacent les frontières de l’Empire. Il le considère comme une στάσις, c’est-à-dire comme une sédition ; comme un νόσος, c’est-à-dire comme une maladie[2] : expressions, d’origine platonicienne, dont nous avons vu qu’elles étaient depuis longtemps courantes dans le vocabulaire politique des Anciens[3].

  1. Voir plus haut, p. 120.
  2. Par exemple, VIII, 2 ; 49. Jésus est l’ἀρχηγέτης τῆς στάσεως, VIII, 16.
  3. P. 24.