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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/175

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Doit-on relever déjà quelque intention de ce genre dans la Vie d’Apollonius du rhéteur Philostrate, c’est ce qu’il nous faut examiner en premier lieu.

IV

J’ai dit quelle fâcheuse idée Ernest Renan s’était formée de la mentalité publique à partir du iie siècle et comment il y démêlait les symptômes manifestes d’un véritable affaissement intellectuel[1]. L’histoire d’Apollonius de Tyane lui en apportait une preuve parmi plusieurs autres : « Telle était la promptitude de la décadence de l’esprit humain, écrit-il, qu’un théurge misérable qui, à l’époque de Trajan, n’eut de vogue que parmi les badauds de l’Asie Mineure, devenait cent ans après, grâce à des écrivains sans vergogne qui s’emparèrent de lui pour amuser un public devenu totalement crédule, un personnage de premier ordre, une incarnation divine, que l’on osa comparer à Jésus[2]. »

Il est malaisé de restituer la physionomie réelle de cet Apollonius, tant de fois retouchée, embellie, déformée dans la suite. Il vécut au premier siècle de l’ère chrétienne ; il était originaire de Tyane, en Cappadoce, et s’était acquis une certaine réputation dans son pays, et dans la Syrie voisine, par son mode de vie et par ses dons de thaumaturge et de voyant. Il pratiquait un régime strictement végétarien ; il s’habillait de vêtements de lin (la laine étant d’origine animale), ne se baignait jamais, laissait croître sa

  1. Voir plus haut, p. 97.
  2. Les Évangiles, p. 408.