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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/186

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son chemin, voulut même qu’elle eût été chrétienne[1]. Les historiens profanes lui reprochent, de leur côté, son ambition et son amour forcené de l’argent. Toujours est-il que, soit en 218, soit entre 231 et 233 (la critique oscille, sans repères sûrs, entre ces deux dates), elle désira connaître Origène, et « faire l’expérience de son intelligence des choses divines[2] ». Elle le convoqua à Antioche et eut avec lui quelques entretiens. Hippolyte de Rome lui dédia un opuscule sur la Résurrection, et le laïc chrétien Jules l’Africain fut en relations personnelles avec l’empereur Alexandre-Sévère, pour qui il construisit « la belle bibliothèque du Panthéon[3] ». Les lettrés qui se groupaient autour des princesses, et s’essayaient à flatter leurs goûts, durent donc être aisément amenés à s’intéresser au christianisme, ou à feindre à son égard quelque curiosité.

La pensée de Philostrate en a-t-elle été préoccupée, obsédée, comme quelques-uns le supposent[4] ? A-t-il réellement voulu comparer à la destinée obscure et méprisable du Christ la destinée éclatante d’Apollonius, confident des maîtres du jour, les censurant à l’occasion, apôtre de la pensée néo-pythagoricienne à travers tant de contrées diverses, sans avoir jamais subi d’humiliations ni d’outrages ?

Il paraît avoir eu, en premier lieu, le dessein de faire un livre intéressant, amusant par la diversité de ses épisodes, un de ces romans de voyages et d’aventures comme on les

  1. On peut en suivre les étapes dans Rufin, H. E., VI, 16 ; Orose, Hist., VII, 18, 6 ; Vincent de Lérins, Common., xvii ; et chez les historiens byzantins Syncellus (éd. de Bonn, I, 675), Cédrenus (ibid., I, 450), Zonaras (II, 574).
  2. Eusèbe, pass. cité.
  3. Grenfell et Hunt, Oxyr. Pap., t. III (1903), no 412, lignes 56 et s.
  4. A. Réville, Rev. des Deux-Mondes, t. LIV (1865), p. 642 ; Renan, L’Église Chrétienne, p. 167 ; Aubé, Hist. des Perséc., II, p. 490.