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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/187

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aimait de son temps. Chassang, le traducteur de la Vie d’Apollonius, ne lui suppose pas d’autres visées que celle-là : « On a fait trop d’honneur à Apollonius, écrit-il, de lui attribuer une intention de polémique religieuse. Pour nous, il n’est qu’un rhéteur à courte vue et, en écrivant ce livre, il n’a songé qu’à faire œuvre de style, tout au plus à satisfaire une princesse et une époque préoccupée de merveilleux. Il n’a vu dans la biographie d’Apollonius de Tyane qu’une matière à développements littéraires et à narrations merveilleuses[1]. »

Cependant si l’on se rappelle l’importance de l’élément didactique, pédagogique, de l’ouvrage, les enseignements qu’Apollonius y distribue intarissablement ; si on réfléchit à ce fait qu’il a écrit par ordre, pour complaire à son impériale protectrice, il est difficile d’admettre que Philostrate n’ait songé qu’à divertir. Albert Réville appelait Apollonius, tel que son biographe l’avait peint, « le Don Quichotte de la perfection religieuse et morale[2] », un Don Quichotte dénué, il est vrai, de toute candeur d’âme, tendu, subtil, artificiel, d’un ritualisme compassé et minutieux. C’est en faveur du paganisme qu’il guerroie, — non pas le paganisme vulgaire, mais une religion épurée qui tend au monothéisme et habitue les âmes à servir les dieux comme ils veulent être servis. Il était naturel que, pour composer son idéal de sagesse, incarné dans Apollonius, Philostrate utilisât à l’occasion, parmi d’autres sources[3], quelques traits

  1. P. iii
  2. Rev. des Deux-Mondes, art. cité, p. 636.
  3. M. Isid. Lévy a fort bien montré dans sa savante thèse sur la Légende de Pythagore (Paris, 1927), que Philostrate a utilisé beaucoup d’éléments de la légende de « l’homme-dieu » de Samos. Mais on s’étonne qu’il ne paraisse ras s’inquiéter davantage de déméler si la tradition proprement chrétienne ne aurait pas, elle aussi, influencé. C’est là pourtant une question qui s’impose,