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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/192

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Lui qui, tout à l’heure reléguait toute intervention divine au rang des hypothèses invérifiées, il s’avance maintenant jusqu’aux confins d’une sorte de foi, et c’est son nationalisme romain qui l’aide à franchir ce pas difficile. Plus que réservé sur le fond des choses, c’est donc par piété civique, par respect du mos maiorum, qu’il défend le culte traditionnel « si ancien, si utile, si salutaire » et qui fut toujours une des bases de la prospérité et de l’hégémonie romaines.

Quant au christianisme, j’ai déjà indiqué dans quel esprit Cæcilius conduit son réquisitoire contre lui. Il appesantit d’abord son mépris sur la secte chrétienne, qui se recrute dans la lie du peuple et « forme avec cette tourbe une coalition d’impiété ». Ce sont ces gens sans éducation, sans savoir, sans usages, qui décident là où les sages hésitent, au lieu de regarder « devant leurs pieds ». Les chefs d’accusation se précisent : leur dédain pour les choses saintes ; les mystères d’iniquité qui, dans les réunions nocturnes, resserrent entre ces misérables des liens infâmes ; l’ubiquité inquisitoriale du Dieu chrétien ; l’absurdité du dogme de la résurrection.

Il a fallu à Minucius Felix une rare ouverture d’esprit pour prêter à la cause qu’il détestait un accent si éloquent et si persuasif. Au reste, pour vif que soit le ton de Cæcilius, la présence même, à ses côtés, d’amis qu’il aime, qui sont de son monde et de sa culture, est propre à lui faire sentir, en dépit qu’il en ait, certaines de ses exagérations. Le débat se déroule, à tout prendre, et il s’achève, sous le signe de l’aménité.