Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III

Ces ménagements, si naturels chez des hommes de bonne éducation, étaient ignorés du populaire. Dans les foules, la prévention anti-chrétienne restait féroce, indéracinable :

Que dire de ce fait, remarque Tertullien[1], que la plupart donnent avec un tel aveuglement dans cette haine qu’ils ne peuvent rendre à un chrétien un témoignage favorable sans y mêler le reproche de porter ce nom ? « C’est un honnête homme que Gaius Scius. Quel dommage qu’il soit chrétien ! » Ou encore : « Pour ma part, je m’étonne que Lucius Titius, un homme si intelligent, soit tout à coup devenu chrétien. » — Personne ne se demande si Gaius n’est pas un honnête homme et Lucius un homme intelligent, justement parce qu’ils sont chrétiens ; ou s’ils ne sont pas devenus chrétiens justement parce que l’un est honnête et l’autre intelligent !… Quelques-uns vont jusqu’à pactiser avec cette haine aux dépens de leurs propres intérêts, heureux du tort qu’ils se font, pourvu qu’ils n’aient pas chez eux ce qu’ils détestent. Une femme, chaste désormais, se voit répudiée par son mari, qui pourtant n’a plus besoin d’être jaloux ; un fils, devenu docile, est déshérité par son père, qui auparavant supportait tout de lui ; un esclave, mué en fidèle serviteur, est chassé loin des yeux du maître qui le traitait naguère avec douceur ; du moment qu’on s’amende en prenant ce nom-là, on devient odieux !

IV

Parmi les sottes histoires qui couraient alors, il en est une qu’il faut retenir. On accusait les chrétiens d’adorer un âne.

  1. Apolog. iii, 1 et 4.