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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/194

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C’était là une vieille calomnie dont les Juifs avaient de bonne heure été victimes. On sait que l’antisémitisme est un état d’esprit de beaucoup antérieur au christianisme, et dont celui-ci n’est nullement responsable, encore qu’il ait pu contribuer à le renforcer. Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir la précieuse collection diligemment compilée par Théod. Reinach[1].

C’est à Alexandrie, semble-t-il, que l’antisémitisme théorique et systématique était né. Dès l’époque de Ptolémée Ier Soter (305-285 av. J.-C.), la « diaspora » juive s’était faite particulièrement dense en Égypte : bon nombre de Juifs y avaient été transportés à la suite des incursions du premier Ptolémée en Judée ; d’autres s’y étaient laissé attirer par la bienveillance des pouvoirs officiels.

Or il arriva que la mise en contact des Juifs avec les Égyptiens hellénisés créa contre les premiers un courant populaire d’antipathie. Cette aversion prit corps en une série de légendes injurieuses, dont nous trouvons déjà l’expression littéraire dans l’Histoire d’Égypte que le prêtre égyptien Manéthon écrivit en grec sous le second Ptolémée (285-246). Manéthon y racontait épisodiquement les origines du peuple juif et ses aventures en Égypte, avec l’arrière-pensée manifeste de déshonorer son passé[2]. Il ne semble pas, au surplus, qu’il y fit allusion au conte dont nous allons esquisser la fortune.

Un demi-siècle plus tard, vers 200, Mnaseas de Patara, un élève d’Eratosthène, rapportait dans son Periplous l’anecdote suivante. Pendant une guerre entre les Iduméens

  1. Textes d’auteurs grecs et latins relatifs au Judaïsme, Paris, 1895.
  2. Reinach, p. 20-34.