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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/196

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Juifs, ce conte ridicule fut un de ceux dont les chrétiens eurent à leur tour à se défendre. Longtemps, on le sait, ils furent confondus avec les Juifs (ut iudaicae religionis propinqui, remarque Tertullien), sinon dans l’estimation de la haute administration romaine, du moins dans l’esprit à courte vue de la foule.

Au surplus, l’accusation d’adorer un âne n’est point mentionnée par les apologistes grecs. Elle fut loin de prendre, à l’égard des chrétiens, l’importance qu’elle avait eue à l’égard des Juifs. Seuls, Tertullien et Minucius Felix ont cru devoir la relever, sur le ton le plus dédaigneux.

Voici une nouveauté que la voix publique fait courir sur notre Dieu, écrit Tertullien dans l’Adversus nationes (rédigé en 197[1]). Il n’y a pas bien longtemps dans cette ville même, un parfait scélérat, déserteur de sa propre religion et qui n’est Juif que par le dommage qu’a subi sa peau, dommage qu’ont aggravé les morsures des bêtes contre lesquelles il se loue, au point que son corps tout entier est écorché et rogné, a exposé un tableau contre nous, avec cette inscription : Onochoetes. Cela représentait un personnage avec des oreilles d’âne, une toge, un livre, un des pieds en corne. Et la multitude de croire cette canaille de Juif… Il n’est bruit dans toute la ville que de l’Onochoetes.

Il s’agissait donc d’un Juif apostat (on a compris la plaisanterie sur la circoncision, solo detrimento cutis Judaeus), gladiateur intermittent contre salaire reçu, qui avait imaginé de figurer en cette caricature le Dieu des chrétiens.

Le sens du mot Onochoetes n’est pas encore fixé : Œhler[2] et Rauschen[3] le dérivent de ὄνος, âne et de κοιᾶσθαι,

  1. Chap. xiv.
  2. Opera Tertulliani, I, 181.
  3. Floril. patristicum, Bonn, 1906, t. VI, p. 57.