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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/209

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Phlégon, un philosophe grec, fait mention de cette éclipse comme étant arrivée d’une manière extraordinaire (παραδόξως) le quatorzième jour de la lune, époque à laquelle il ne se produit pas d’éclipse, vu que le soleil est à un intervalle fort éloigné qui comprend toute l’étendue du ciel. Or les éclipses surviennent quand les deux astres [le soleil et la lune] sont contigus.

L’auteur de cette petite discussion ne faisait-il pas dire à Phlégon un peu plus qu’il n’avait réellement dit, c’est là un point que je réserve. — En tous cas, on voit le sens général de ses observations : la nuit subite qui marqua les dernières heures de la Passion fut un cas hors série, étant donné que les conditions indispensables pour qu’une éclipse normale se produise n’étaient pas réalisées.

Nous rencontrons la même argumentation dans un intéressant passage de Jules l’Africain, qui fut le contemporain et l’ami d’Origène, et l’une des intelligences les plus pénétrantes de cette époque[1].

Toutes les œuvres (de Jésus) — guérisons effectuées sur les corps et les âmes, mystères de la Gnose, résurrection d’entre les morts, — tout cela a été exposé en détail devant nous par ses disciples et ses apôtres avec toute l’autorité requise (αὐταρκεστάτως).

Sur tout l’univers une obscurité effrayante s’appesantit ; un tremblement de terre fendit les rochers ; quantité (de maisons), en Judée et dans le reste de la terre furent jetées bas.

Dans le IIIe livre de ses Histoires, Thallus appelle cette obscurité une « éclipse de soleil », — à tort, selon moi[2]. En effet, les Hébreux célèbrent la Pâque au quatorzième jour de la lune. Or la passion du Sauveur tomba le jour avant la Pâque. Une éclipse de soleil ne se produit que lorsque la lune passe sous le soleil. Cela ne peut arriver à nul autre moment que dans l’intervalle entre le premier jour de la nouvelle lune et le dernier jour de l’ancienne lune, au moment de la jonction (des astres). Le moyen, dès lors, de supposer qu’une éclipse

  1. Cf. A. Puech, Hist. de la litt. grecque chrétienne, t. II, p. 465-477.
  2. Sans doute Jules l’Africain lisait-il dans son texte ἐσκοτίσθη ὁ ἥλιος : cf. Westcott et Hort, op. cit., Introd., p. 70.