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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/210

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survienne, quand la lune est presque diamétralement à l’opposé du soleil ?

Admettons pourtant cette opinion. Que la majorité s’y rallie ! Que ce prodige mondial soit considéré comme une éclipse de soleil, du moins d’après l’illusion de la vue ! Phlégon raconte que, sous Tibère-César, lors de la pleine lune, une éclipse complète de soleil se produisit de la sixième à la neuvième heure ; celle évidemment dont il est question. Mais qu’est-ce qu’une éclipse a de commun avec un tremblement de terre, des rochers qui se fendent, la résurrection des morts et une telle perturbation mondiale ? À coup sûr, durant une longue période, la tradition ne mentionne rien de semblable. C’est que cette obscurité était l’œuvre de Dieu, parce que le Seigneur subissait sa Passion.

Tout n’est point parfaitement clair dans ce morceau, dont un chroniqueur byzantin du viiie siècle, Georges le Syncelle, nous a conservé le texte grec[1]. Mais l’idée de Jules l’Africain se dégage néanmoins. Il ne veut pas, lui non plus, que le σκότος évangélique soit appelé une éclipse, la position réciproque de la lune et du soleil à l’époque de la Passion du Christ excluant radicalement cette interprétation.

On notera à quel point le passage souligné ci-dessus, relatif à Phlégon, interrompt le raisonnement, et combien il est superflu après le témoignage déjà invoqué de Thallus. Le jésuite M. J. Routh a eu le bon goût de le mettre entre crochets, comme une glose inopportunément introduite dans le texte.

b) La formule embarrassante, τοῦ ἡλίου ἐκλιπόντος, offrait donc aux controversistes païens, en dépit de l’exégèse chrétienne dont un double spécimen vient d’être fourni, un terrain favorable où ils ne manquèrent pas de s’installer.

  1. Routh, Reliquiae sacrae, 2e édit., t. II, p. 297. Cf. Migne, Patrol. gr. 10, 83 c.