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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/212

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Origène ne conteste pas cette dernière affirmation. Il considère l’objection, dans son ensemble, comme sérieuse et digne d’émouvoir un homme de sens rassis.

Quelle est sa solution personnelle ?

Elle ne manque pas de hardiesse.

Il remarque que ni saint Matthieu ni saint Marc ne parlent d’une éclipse de soleil ; et que, même dans l’Évangile de saint Luc, la plupart des exemplaires portent simplement tenebrae factae sunt super omnem terram[1].

Ne serait-ce pas des « insidiatores Ecclesiae Christi » d’insidieux ennemis de l’Église du Christ, qui auraient introduit dans le texte de Luc les mots litigieux, pour incriminer ensuite les Écritures sacrées ?

Peut-être aussi conviendrait-il de limiter à une zone bien plus étroite qu’on ne le fait d’ordinaire l’étendue des manifestations qui ont associé les éléments à la mort du Sauveur. « L’éclipse » n’aurait-elle pas été simplement un assombrissement subit de la nature, en Judée, occasionné par des nuages ténébreux (quasdam tenebrosissimas nubes[2]) ? On peut former une hypothèse analogue pour le tremblement de terre :

Aucune autre terre ne trembla que le sol de Jérusalem. Il n’est rapporté nulle part que tout le continent terrestre ait tremblé à cette époque, au point que les habitants de l’Éthiopie, par exemple, ou de l’Inde, ou de la Scythie, l’aient senti. Que pareille catastrophe fût arrivée, on en trouverait la trace quelque part dans les récits de ceux qui ont consigné dans leurs chroniques les faits exceptionnels…

  1. Origène, lui aussi, devait donc lire dans les manuscrits auxquels il fait allusion : ἐσκοτίσθη ὁ ἥλιος.
  2. Cette interprétation a été adoptée par un certain nombre d’exégètes modernes tels que Vossius, Érasme, Le Clerc, Bèze, Lardner, etc. Ils font remarquer que dans des passages comme Luc iv, 25, Matthieu xxiv, 30, le mot γῆ désigne la terre de Judée, et non pas l’univers.