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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/230

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aisé de persuader aux gens de bon sens « que les maladies n’ont pas pour causes la fatigue, la réplétion, la vacuité, la corruption, en un mot des transformations qui ont leur principe en dedans ou au dehors de nous[1] », ou qu’il signale dédaigneusement leur habitude « d’appeler frères les hommes les plus vils[2] » alors qu’ils refusent ce nom au soleil, aux autres dieux du ciel, à l’âme même du monde, il est possible qu’il se soit clairement rendu compte que ses critiques allaient atteindre, par delà ses interlocuteurs immédiats, les chrétiens, si nombreux à Rome à cette époque. Cette confusion, Plotin n’a rien fait pour la prévenir.

Que l’esprit de ce chapitre soit d’ailleurs inconciliable avec la conception chrétienne de l’univers, c’est ce que laisse entendre l’éminent traducteur des Ennéades, Émile Bréhier. Il montre à quel point l’idée gnostique (mais chrétienne aussi) du monde sensible « comme d’un séjour momentané où des âmes, d’essence étrangère et supérieure à lui, viendront subir les épreuves destinées à préparer leur salut » est opposée à celle de Plotin, lequel justement ne veut pas permettre à la préoccupation du salut individuel de désorganiser la vision rationnelle du monde et « y oppose avec force la vieille tradition hellénique, pour qui la véritable fin de l’homme consiste à saisir sa place dans le système des réalités et non à s’y tailler un premier rôle[3] ».

Ame ardente, aux allures inspirées, qui portait dans ses méditations les plus abstraites une flamme enthousiaste,

  1. II, 9, 14 (p. 130).
  2. II, 9, 18 (p. 137).
  3. T. II, p. 109-110.